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Médiathèque les Jardins du savoir
15 janvier 2014

39-45 : une mouette raconte ! 2/3

Partie 2 : les bombardements

 Le Portel est un lieu idéal pour nous les mouettes. Mais pendant la guerre 39-45, le décor sur terre était abominable, surtout pour les humains.

Le Portel a été occupé par les Allemands. Bientôt la falaise, la plage n’ont plus été accessibles pour les habitants. La famille de Louise qui habitait au Mont de Couppes s’est fait éjecter « Vous partis 5h ». L’artillerie de marine s’y est installée. La famille Leprêtre est allée vivre rue Carnot. Le Portel fut déclaré en zone rouge, il était interdit de dépasser 5 km sans laissez-passer. Un jour Louise qui avait 16 ans et sa cousine 15 ans étaient parties au ravitaillement dans la campagne vers Nielles les Bléquin, par le « train à patates ». Elles se sont fait contrôler par les Feld-gendarmes qui étaient surnommés « les colliers de chiens » à cause de leurs décorations autour du cou. Elles n’avaient pas de laissez-passer, si difficiles à obtenir, elles ont dû se rendre à l’Évêché de Boulogne et elles ont fait trois jours de prison.

 Le monde des mouettes, comme le monde des hommes parle encore des bombardements.

Mais quel effarement en 1943 à Le Portel ! Les 4 puis surtout les 8 et 9 septembre… les bombardements des Anglais, les Alliés.

Le père de Jeanine qui travaillait à la SNCF, avait été informé que quelque chose de grave allait arriver à Le Portel. Il a envoyé sa fille Jeanine avertir Margot la sœur aînée, maman de deux petites filles de trois et un an avec l’ordre de les ramener au Val d’Acquin, près de Lumbres où ils étaient réfugiés depuis 1941. Jeanine, âgée de quinze ans avait peur d’aller seule à Le Portel. Mais elle y est allée ! Ce 4 septembre, quand ça a bombardé, elles sont descendues dans la cave du cordonnier… Elles ont couru, rue Carnot… d’autres bombes, un homme près d’elles est mort… Le lendemain, le 5 septembre 1943, elles étaient dans le train, sauvées !

 Ma famille mouette a connu des pertes aussi, c'était l'effroi, la peur. Se cacher ? Partir ? Aller où ?

Pour la famille de Louise Leprêtre, ce fut l’horreur… Le samedi 4 septembre, ils s’étaient abrités dans la cave. Les bombes ont explosé. Tout s’est écroulé. Louise avait de la poussière et des débris jusqu’à la taille. Son petit frère de six ans est mort, son cousin aussi. C’étaient les premiers morts. La tante de Louise a été blessée et dix-huit personnes de la famille ont péri. Ils ont quitté Le Portel avec un vieux vélo, Louise était mal en point. Ils ont été hébergés à Ecault, puis ils ont repris la route vers Samer, ont attrapé le train… Ils ont été dirigés à Béthune puis accueillis à Reims.

A Equihen aussi, il y a eu de terribles bombardements. Dans cette famille-là, le père était prisonnier en Allemagne, le grand-père était mort. La petite Godeleine était avec sa grand-mère. Quand les bombes sont tombées, elle a demandé «  C’est quoi, mémère ? ». La grand-mère n’a rien répondu, elle a vite empoigné sa petite fille et elles sont descendues à la cave.

Fallait-il aller dans les caves ? Pierre Dagbert se souvient que ceux descendus dans une cave avaient été tous tués, le seul survivant était celui resté dehors. Dans les caves, ils avaient l’impression d’être en bateau, tout tremblait. Aux premiers bombardements du 8 septembre, ils étaient treize, vers 18h, dans la cave du café « Au coq gaulois », sur la place de l’Eglise. Une jeune dame a promis que si elle s’en sortait, elle irait à la messe tous les dimanches. Ils sont ressortis par les éclairs de cave, les soupiraux. L’hôtel accolé au café s’était affaissé, disparu. Le café était bien abîmé, mais la mercerie à côté n’avait rien. Ils n’avaient pas été avertis… Des avions, des bateaux passaient tous les jours, les gens les regardaient mais ils n’imaginaient pas être bombardés !

Un deuxième déferlement s’est produit vers 23 heures, Pierre s’était réfugié rue Libert, chez sa tante.

Le matin, Pierre, sa mère, son oncle et sa tante sont revenus au café pour essayer de sauver des affaires. Pierre avait treize ans, il revoit sa tante matelote, emplissant son grand panier sur le dos quand les troisièmes bombardements ont repris vers huit heures. Ils ont couru vers l’église. Son oncle tout à coup est tombé sur les genoux. Un homme derrière lui avait basculé, l’entraînant dans sa chute. L’homme était mort, tué par un éclat d’obus qui avait traversé toute la longueur de l’église. C’étaient des bombes de 250 kg. On rapporte que 1651 bombes seraient tombées sur la ville.

 Chacun se souviendra longtemps de cette folie des hommes.

Madame Gens venait de voir s’effondrer sa maison. Sans réaliser, elle a couru vers l’église et se retournant vers sa fille lui a dit « Dis-donc, as-tu pensé à fermer la porte à clef ? »

La petite fille de 4 ans et demi qui habitait au 28 de la rue du Maréchal Foch était dans le jardin. Le temps de se retourner et sa maison était détruite, écroulée. Vite, ils sont allés chez grand-père qui habitait en face de la mairie. Quand des avions arrivaient, ils descendaient à la cave. Son grand-père, Monsieur Battez, gardait une pioche près de lui pour pouvoir libérer ceux qui pourraient être recouverts de gravats. Et puis quand les bombardements ont repris, la famille s’est sauvée. La petite a aidé son grand-père à remonter d’un trou de bombe sur la route. La maman, terrifiée, a même démis le bras de la petite sœur d’un an quand, dans la panique, elle l’a sortie de la poussette pour la protéger. Le soir ils ont dormi dans la paille dans une ferme à Ecault. La petite mignonne a même dit « Oh, on est couché dans le même lit… ». Puis ils se sont réfugiés à La Flandrie, à côté de Lillers. La petite a eu la gale, des furoncles. Le grand-père est mort d’un zona. La famille Cailleux, bouchers-charcutiers, les a bien aidés là-bas. Le père, chef mécanicien, étant toujours réquisitionné au Mont de Couppes sur Le Portel, la mère, effrayée a mis sa petite en pension à Lillers… Pas facile à 4 ans !

 Tous les gens de Le Portel, survivants des bombardements anglais, sont partis…

39/45 : une mouette raconte !, écrit par Nelle.
Témoignages recueillis par Nelle, les 7 et 8 septembre 2013, à l'occasion de la reconstitution historique de la Libération de Le Portel par les Canadiens.

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